Chemins sacrés : un voyage à travers les églises et chapelles de Haute Sarthe

06/06/2025

Un riche héritage religieux, entre Moisy et Perseigne

La Haute Sarthe, ce n’est pas juste un pays de moulins et de bosquets : c’est aussi une terre de foi, de passage et de bâtisseurs. Entre influences du Maine, de la Normandie toute proche, et du Perche, la région affiche une étonnante diversité d’édifices religieux.

  • Plus de 110 édifices religieux sont répertoriés dans l’arrondissement de Mamers (source : Base Mérimée, 2024), dont la majorité date du Moyen Âge, même si bien des églises ont été remaniées ou restaurées.
  • Des styles qui se croisent : roman, gothique, classique, néo-gothique... La variété des influences saute aux yeux, parfois de travées en travées dans une même église !
  • Plusieurs édifices sont classés ou inscrits aux Monuments historiques, comme les abbatiales de Saint-Pierre-sur-Orthe, le prieuré du Gué de maulny ou l’église Saint-Evroult de Neufchâtel-en-Saosnois.

Mais s’attarder, c’est aussi découvrir des détails moins connus : bas-reliefs, ex-voto marins venus du Grand Ouest, statues polychromes, vitraux signés de maîtres-verriers du XIXe siècle, graffiti de pèlerins ou croix perdues dans les taillis. Des micro-patrimoines souvent négligés, et qui valent une vraie halte.

Les grandes figures : abbayes, prieurés & paroissiales majeures

Abbaye royale de Perseigne : la mystérieuse disparue

Dans la forêt de Perseigne, il ne reste que les empreintes de pierres et quelques arcs perdus : l’abbaye cistercienne de Perseigne (fondée en 1145) fut l’une des plus influentes du Maine au Moyen Âge. Elle rayonna tant par son patrimoine spirituel que par sa bibliothèque, fréquentée par le chroniqueur Adam de Perseigne connu pour sa correspondance avec Rome (source : Archives départementales de la Sarthe). L’abbaye fut progressivement abandonnée à la Révolution, puis démantelée pour ses pierres. Aujourd’hui, c’est un lieu de promenade ombragé, mais à chaque pas, on sent la trace d’un immense chantier religieux.

Le Prieuré du Gué de Maulny

À seulement quelques encablures d’Alençon, le prieuré du Gué de Maulny veille encore. Établi au XIe siècle, il fut un fief clunisien actif, connu pour ses chapiteaux romans et sa crypte intacte. Ses pierres témoignent de la puissance de l’abbaye-mère, Cluny, qui rayonna jusqu’ici. Le prieuré est rare par la qualité de ses fresques, qui datent du XIIe siècle et présentent un Christ en majesté, thème peu courant dans la région (source : DRAC Pays de la Loire).

Sillé-le-Guillaume : la forteresse de Saint-Martin

L'église Saint-Martin, surélevée et massive, semble veiller sur la cité avec orgueil. Sa nef gothique à la sobriété toute cistercienne contraste avec la façade romane de pierre claire et le clocher trapu, vestige de son passé défensif face aux guerres franco-anglaises au Moyen Âge. À l'intérieur, des vitraux classés illustrent la vie de Saint Martin, protecteur traditionnel des paysans.

Les trésors du quotidien : petites chapelles et églises rurales

Impossible d’oublier la multitude d’églises “de campagne”, discrètes mais souvent bourrées d’histoires locales et de petites merveilles artistiques.

  • L’église de Vernie (XIIe siècle) dévoile des fresques médiévales exceptionnelles : une crucifixion et surtout le fameux “lion de Vernie”, figure allégorique inédite qu’on ne trouve nulle part ailleurs dans la Sarthe.
  • L’église Saint-Evroult de Neufchâtel-en-Saosnois, vaste et lumineuse, conserve un remarquable ensemble de vitraux historiés du XIXe siècle, mais aussi un mobilier baroque étonnamment bien conservé pour la région.
  • Chapelle Notre-Dame de Montgarni à Oisseau-le-Petit : cachée au sein d’une ferme, visitable sur demande, elle garde le souvenir des processions rurales et d’une fontaine “miraculeuse” où l’on venait prier contre la fièvre. On raconte que la marée du 15 août y attirait quelque 2000 personnes au XIXe siècle (source : Mémoires de la Société historique et archéologique de Mamers, 1892).

Il ne faudrait pas non plus passer trop vite devant les petits clochers de Coulombiers, Rouez ou Dissé-sous-Ballon — parfois, la clé est chez un voisin et il suffit de demander pour découvrir un trésor caché : statues gothiques, fonds baptismaux trapus, stalles médiévales ou fresques “populaires” représentant des scènes champêtres et des saints protecteurs des cultures.

L’anecdote qui fait mouche : des églises incendiées, déplacées, transformées

  • Saint-Rémy-du-Val : ici, le village a connu pas moins de trois églises successives ! La dernière, reconstruite dans les années 1880, conserve dans sa sacristie des éléments de l’époque médiévale, sauvés lors des violents incendies du XIXe siècle. On y voit aussi un ancien paratonnerre daté de 1894, rare vestige d’une époque où la crainte de la foudre hantait les campagnes.
  • Mont-Saint-Jean : au XVIe siècle, l’église, trop petite et inaccessible en hiver, fut reconstruite... deux kilomètres plus loin, sur une route moins marécageuse. On raconte que ce fut la première “déménagée” de l’Histoire locale !
  • Torchamp (ex-Solesmes en Sarthe) : Pendant la Révolution, l’église abbatiale fut utilisée comme grange, puis comme fabrique de salpêtre avant d’être intégralement restaurée après le Concordat.

Les curiosités et traditions populaires

La Haute Sarthe n’a pas seulement édifié de belles pierres pour ses offices. Elle garde encore mille et une petites traditions, parfois charmantes, parfois étranges :

  • Les “croix de chemin” : Des dizaines de croix en fer forgé, granit ou bois percent les fossés, témoignages d’un culte populaire et de missions paroissiales (souvent datées sur la base de leur inscription : “mission 1864”, “souvenir de la peste 1855”, etc.).
  • Les “Pardons” : À Sougé-le-Ganelon, celui du 15 août attire encore fidèles… et gourmands, car il se conclut par un partage de brioches bénites, perpétuant une tradition bretonne importée par les migrants de l’Ouest.
  • Vitraux et graffiti : À Saint-Léonard-des-Bois, dans le chœur de l'église, on distingue encore des inscriptions médiévales tracées à la pointe : récits de pèlerinages, dates de missions, parfois des invocations pour de bonnes récoltes.
  • Les fonds baptismaux “aux dragons” (exemple à Saint-Calez-en-Saosnois) empruntent, dit-on, à des croyances païennes persistantes dans la région au Moyen Âge.

Patrimoine vivant : restaurations et chemins de découverte

Heureusement, tout n’est pas figé dans la poussière ! Depuis deux décennies, de nombreuses restaurations locales animent de nouveau ces vénérables édifices.

  • Entre 2000 et 2022, plus de 2,5 millions d’euros ont été investis par le département et les communes pour rénover clochers, vitraux et charpentes (source : Conseil départemental Sarthe).
  • Plusieurs circuits balisés invitent à la (re)découverte de ces joyaux : “Route des chapelles en Haute Sarthe”, sentier “Mémoire et spiritualité” autour d’Alençon, ou itinéraire vélo “Entre abbayes et moulins”.
  • Bon à savoir : la plupart des églises sont accessibles lors des Journées du Patrimoine ou sur simple demande à la mairie locale ou à l’office de tourisme. Osez pousser la porte — l’accueil y est souvent aussi chaleureux que les rayons du soleil sur les pierres…

Quelques pistes pour découvrir ces témoins autrement

Envie de jouer les explorateurs ? La Haute Sarthe s’y prête à merveille :

  • Partez à la chasse aux clochers originaux : carré, octogonal, effilé, à bâtière ou à flèche, le patrimoine religieux local aime la diversité.
  • Munissez-vous d’une lampe, et scrutez fresques, graffiti et marques lapidaires laissés par les tailleurs de pierres ou les pèlerins.
  • Posez des questions aux enfants du pays : maintes anecdotes ne passent que par l’oral, de génération en génération !

La prochaine fois que vous croiserez ces silhouettes familières sur la ligne d’horizon des champs, prenez le temps de vous arrêter. Derrière ces murs épais sommeillent mille vies, mille drames, mille espérances. Et si c’était là, tout simplement, la beauté discrète de la Haute Sarthe ?

En savoir plus à ce sujet :

Propriété intellectuelle © payshautesarthe.fr. Tous droits réservés.