Belles forêts secrètes et bois vivants : balade guidée en Haute Sarthe sylvestre

Un peu de contexte : la Haute Sarthe, terre de bocage… mais aussi de forêts

D’accord, on lit partout que la Sarthe est bocagère, entre haies, rivières, prairies et villages serrés. Mais, en y regardant de plus près, on se rend vite compte que la Haute Sarthe – du côté d’Alençon à Fresnay, de Beaumont-sur-Sarthe à Mamers – n’a jamais tourné le dos à ses bois.

• Près de 14 % de la surface du département de la Sarthe est forestière (données ministère de l’Agriculture – Agreste 2022)
• La Haute Sarthe dépasse même la moyenne : plusieurs cantons culminent entre 18 % et 22 % de couverture forestière
• On trouve surtout des forêts privées, issues du morcellement historique des terres, et des bois communaux, refuges de balades dominicales

Ce n’est pas la Sologne ni le Perche, mais croyez-moi, pour qui sait s’écarter des axes principaux, les bois sont là, tapis derrière la haie, odorants après la pluie, parfois mystérieux au détour d’un chemin creux.

Où trouver les principales forêts de la Haute Sarthe ?

On pourrait dresser des kilomètres de listes, mais allons à l’essentiel. Voici une sélection des massifs forestiers, bois et zones remarquables, facilement accessibles, ou connus localement pour leurs histoires et leur biodiversité.

1. La Forêt de Perseigne

• Superficie : Près de 5 000 hectares (c’est le plus grand massif forestier du département de la Sarthe)
• Situation : Au nord du territoire, entre Villeneuve-en-Perseigne, Neufchâtel-en-Saosnois et Ancinnes, à la lisière de l’Orne
• Gestion : Majoritairement domaniale (gérée par l’ONF), mais de nombreuses parcelles privées ou communales
• Biodiversité : Mélange de feuillus (hêtres, chênes) et de résineux (pins sylvestres), grand réservoir de faune : cerfs, chevreuils, sangliers. Lieu d’observation occasionnel du pic noir et de la chouette hulotte.
• Anecdotes : Perseigne abrite la plus haute butte du département (340 m), surmontée d’une tour belvédère offrant un panorama unique sur tout le nord sartois. Les courses d’orientation y sont fréquentes… et les champignons y font courir tout l’automne.

2. Bois de Loudon

• Superficie : Près de 1 100 hectares
• Situation : À l’ouest de Beaumont-sur-Sarthe, sur la commune du même nom et celle de Piacé.
• Ce n’est pas tout à fait une forêt “d’État”, mais un ensemble très morcelé de propriétés privées, aussi appelé Bois de la Charnie sur certaines cartes
• Lieu de chasse traditionnel et de cueillettes, zone de prédilection des promeneurs de Beaumont ou Vivoin
• On y trouve de beaux bosquets de vieux chênes, des mares cachées, et la discrète biodiversité des lisières

3. Forêt privée de Sillé-le-Guillaume

• Légèrement en bordure ouest du Pays Haute Sarthe, cet ensemble de forêts privées (plus de 2 200 hectares) entoure le célèbre “Sillé Plage”, bien connu des Sarthois pour les baignades estivales
• Boisement mixte : hêtres, chênes, pins, avec une flore colorée au printemps (jonquilles, jacinthes des bois)
• De nombreux circuits balisés sillonnent cette zone, sous l’œil distrait de quelques chevreuils

4. Les petites forêts et “bois secrets”

La Haute Sarthe, ce ne sont pas que de grands massifs. Ce sont aussi des mosaïques de petits bois, de taillis, de bosquets discrets qui jalonnent les vallées de la Sarthe, de l’Orne saosnoise, de la Vègre ou de la Merdereau.

• Bois d’Avesnières à Fresnay-sur-Sarthe : petite chênaie bien connue des locaux pour ses sentiers à couleuvre et ses brindilles de noisetiers
• Bois de Crissé et du Jarrier : entre Crissé et Mézières-sous-Lavardin, patchwork de forêts communales, avec quelques “sentes du braconnier” en marge
• Bois du Mont-Saint-Jean : petite zone boisée colorée au printemps, célèbre jadis pour ses refuges de moines ermites (à voir surtout lors des balades botaniques organisées par Sarthe Nature Environnement)
• Les bois périurbains d’Alençon et Mamers : même à la frange urbaine, ils servent de “poumons verts”, souvent investis le dimanche matin pour la balade digestive !

Quels usages et quelles histoires dans les forêts de Haute Sarthe ?

La forêt sarthoise est une forêt modeste, mais son histoire, elle, ne manque pas de panache. Plusieurs usages y cohabitent, du plus quotidien au plus insolite.

• Le chauffage et le bois d’œuvre : Les taillis sont très répandus, héritage d’une tradition de bois de chauffage séculaire. Encore aujourd’hui, nombre de familles rurales font leur bois “au printemps”, sur parcelle communale ou louée.
• La cueillette : Les promenades mycologiques (girolles, pieds-de-mouton, cèpes) sont un sport populaire en octobre-novembre. Attention : ici, l’œil averti distingue la coulemelle de l’amanite comme un Sarthois différencie le rillettes de l’émincé de porc !
• La chasse : Importante dans la région, elle soude les villages l’hiver, génère quelques discussions… et des histoires qui font sourire autour du comptoir.
• La balade et le tourisme vert : Les GR (notamment le GR22 vers le Mont-Saint-Michel), boucles locales et circuits VTT traversent nombre de ces forêts. La Loire-Bretagne classe d’ailleurs la Forêt de Perseigne parmi ses “espaces naturels sensibles” avec balisages, panneaux et animations (source : Syndicat Mixte du Pays de Haute Sarthe, 2024)
• Anecdote : On cite couramment l’affaire des loups de Perseigne au XIXe siècle – pourchassés lors de battues mémorables, ils donnent encore leur nom à certains endroits (“La Louvetière”) !

Inventaire express : les communes et villages “verdis” par la forêt

Ces chiffres, extraits des statistiques INSEE 2023 et de la base CORINE Land Cover, témoignent de la surprenante “vertitude” de certaines communes de Haute Sarthe. Plus qu’ailleurs, la forêt y façonne les paysages autant que les traditions.

Quelles menaces, quels défis pour ces espaces boisés ?

Sous leurs dehors paisibles, les forêts du pays Haute Sarthe n’échappent pas aux questions d’actualité :

• Essor des sécheresses : Les trois dernières années, les sols ont montré des signes de tension (source : Observatoire Régional de la Biodiversité Pays de la Loire). Hêtres et jeunes chênes sont parfois affectés, ce qui inquiète les forestiers locaux.
• Pression foncière et morcellement : L’émiettement des parcelles (souvent en indivision après héritage) fragilise la gestion durable et favorise la prolifération d’espèces invasives (sureau noir, ronces… et parfois la renouée du Japon !)
• Maladies et ravageurs : Si la tempête de 1999 a laissé des séquelles, aujourd’hui le principal souci est la chenille processionnaire du pin et, à plus long terme, la chalarose du frêne, déjà signalée en Perseigne sur quelques parcelles.
• Incivilités : Décharges sauvages et quads illégaux ne facilitent pas la vie des amis de la nature. Heureusement, de nombreuses associations veillent – citons Nature Sarthe ou les Amis de Perseigne.

Petit guide : comment (re)découvrir les bois de la Haute Sarthe ?

• Pour la balade familiale : Le parcours santé du bois d’Avesnières à Fresnay, ou les circuits audioguidés de Sillé-Forêt (disponibles à l’OT et via Vallée de la Sarthe Tourisme)
• Pour les promeneurs curieux : Le sentier botanique de Perseigne, avec panneaux et QR-codes pas piqués des hannetons. Les “Sentiers d’antan” de Crissé sont, eux, balisés par les villageois eux-mêmes !
• Pour les mordus de VTT : La traversée de la Charnie, liaison bois de Loudon/Sillé, sinueuse et ombragée
• Pour l’histoire secrète : Partez sur la piste des mégalithes en forêt de Crissé et du dolmen de Beaumont, caché sous le houx : une atmosphère digne d’un roman du terroir

L’échappée belle : et maintenant, à pas feutrés…

Il y a toujours, quelque part en Haute Sarthe, un bout de bois qui résiste à la grande roue du monde : un taillis soyeux, une lisière dorée de primevères, un vieux chemin ombré qui sent l’humus. La carte IGN en main ou le simple instinct du promeneur, la forêt n’est pas un territoire à conquérir, mais un univers à apprivoiser, à écouter.

Alors, la prochaine fois que votre regard s’accrochera à une couronne d’arbres au détour du bocage, poussez la barrière (en respectant bien sûr les pancartes), respirez à plein poumons… Ici, en Haute Sarthe, la forêt n’est jamais bien loin, même quand on la croit oubliée.

Agreste 2022, INSEE base territoriale 2023, Vallée de la Sarthe Tourisme, ONF Pays de la Loire, Observatoire régional biodiversité PDL, CORINE Land Cover