Sur les traces du temps : repères historiques en Pays de Haute Sarthe

25/05/2025

D’avant la Sarthe : racines antiques et Moyen Âge secret

La Haute Sarthe, on la croit sans passé antique clinquant, mais à bien regarder sous la mousse et les archives, des traces surgissent. Les premiers habitants ? Ils ont laissé des outils taillés en silex dans le secteur d’Ancinnes et des silex taillés retrouvés sur la commune de Mamers (source : Sous-commission départementale de Préhistoire, 1981). Les tumulus parsèment encore les bois autour de Fresnay-sur-Sarthe : ces mystérieuses tombes, datées entre le Néolithique et l’Âge du Bronze, témoignent d’une occupation humaine bien plus ancienne qu’il n’y paraît.

Mais c’est à l’époque gallo-romaine que l’on devine ce territoire traversé. À Neufchâtel-en-Saosnois, on a mis au jour des vestiges d’une villa gallo-romaine et un petit réseau routier, sorte d’épine dorsale de la région (source : base Mérimée, ministère de la Culture). Il reste parfois l’empreinte d’une voie dans un champ, ou le souvenir d’un pont sur la Sarthe à Briosne-lès-Sables, submergé par la légende plutôt que par les eaux.

Avec le Moyen Âge, la Haute Sarthe se découpe en terres de seigneuries, petites et grandes, placées sous l’autorité – fluctuante, souvent ébranlée – du comté du Maine. Les maisons fortes et motte castrale de Fyé ou de Villaines-la-Carelle, aujourd’hui disparues ou fondues dans la campagne, rappellent ce temps où chaque colline était un poste d’observation… ou de défense contre les voisins du Perche ou d’Anjou.

Châteaux, bourgs et villages : la Haute Sarthe fortifiée

Impossible de parler de repères historiques sans évoquer le rôle central des châteaux. Ici, ils ne sont pas tous juchés sur des pitons, mais ce sont de véritables témoins de la vie locale.

  • Fresnay-sur-Sarthe : son château est un symbole. Édifié dès le XI siècle, il commande un bourg qui se développe à ses pieds, avec ses ruelles pavées et ses maisons à pans de bois. À la veille de la guerre de Cent Ans, il sert de poste avancé du Maine face à la Normandie.
  • Sillé-le-Guillaume : “Clé du Maine”, perché sur son éperon rocheux, le château de Sillé (bâti dès le XI siècle puis remanié) voit défiler Anglais, grands feudataires et puissantes familles du royaume. Encore aujourd’hui, la forteresse dresse ses tours au-dessus de la ville (base Mérimée, Culture.gouv.fr).
  • Montmirail : moins connu, mais pièce de choix pour l’histoire locale. Place forte du XII siècle, son château devient une étape lors des luttes Plantagenêt et Capétienne. Il reste aujourd’hui une demeure privée mais son passé résonne jusque dans les pierres du village.

Les bourgs comme Beaumont-sur-Sarthe ou Vivoin se dotent de fortifications, de portes ou de vestiges de remparts. En 1356, Beaumont tient tête à une attaque anglaise grâce à ses défenses et son “Grand Pont”, déjà fameux (Archives départementales de la Sarthe, Histoire de la ville de Beaumont, J.-B. Chevrier).

Du religieux à la Révolution : abbayes et clochers

Si la Haute Sarthe paraît discrète côté abbayes, elle compte cependant plusieurs lieux qui ont fait l’histoire locale et parfois dépassé ses frontières :

  • L’abbaye de Vivoin : fondée au XI siècle, remaniée à l’époque gothique, elle devient vite un foyer spirituel et économique. Son église abbatiale sert de repère à des centaines de pèlerins sur la route du Mont-Saint-Michel (source : site officiel Pays de la Haute Sarthe).
  • L’église Saint-Hilaire de Saint-Léonard-des-Bois : très ancienne (fondations du Xe siècle), elle rappelle l’antique implantation chrétienne dans les gorges de la Sarthe.
  • L’église de Saint-Marceau : connue pour son tympan policromé du XII siècle, rare témoignage dans la région d’un art roman coloré.

La présence des ordres religieux a aussi structuré le quotidien : hôpitaux tenus par des “frères hospitaliers” (Fyé, Maresché au XVe), commanderies templières à Montreuil-le-Chétif… Quand survient la Révolution, tout ce monde ecclésiastique est saisi, parfois pillé : à Vivoin, les archives révèlent le stockage des grains dans l’ancien réfectoire, preuve d’une reconversion rapide des lieux.

Papeteries, filatures et forges : les traces de l’industrie en Haute Sarthe

Le XIX siècle amène une frénésie nouvelle, et c’est dans la vallée de la Sarthe et de ses affluents qu’on voit naître :

  • Forges et hauts-fourneaux : à Sougé-le-Ganelon, la forge du Pont-Peigné (1885) reste l’une des dernières encore debout. Le site produisait des “fers plats” et a employé jusqu’à 120 ouvriers à son apogée (Inventaire général, Région Pays de la Loire).
  • Papeteries : sur l’Orthe et la Sarthe, Vivoin et Vernie abritaient des moulins à papier dès la fin du XVIII siècle. Au début du XX, ce sont encore près de 7 sites en fonctionnement dans la vallée (source : “Moulins et meuniers en Haute Sarthe”, C. Brilleaud, 2002).
  • Textiles : la filature de la Grande Rue à Beaumont (1839-1966) symbolisait l’essor de l’emploi féminin à Beaumont — jusqu’à 130 ouvrières y travaillaient dans l’entre-deux-guerres.

Ruraux, républicains et résistants : histoires populaires

La Haute Sarthe n’a jamais été un “centre” historique majeur, mais c’est justement à travers son peuple que s’écrit sa vraie fresque.

  • La Révolution : Les cahiers de doléances de 1789 témoignent d’un attachement farouche à la ruralité. La commune de Neufchâtel y réclame plus d’autonomie agricole, et Bérus la fin des corvées seigneuriales. C’est aussi d’ici que partent de petits cortèges de “volontaires nationaux” pour la défense du Maine en 1793 (Archives départementales, Cahiers de doléances de la Sarthe, 1789).
  • Le chemin de fer : l’arrivée du train à Sillé-le-Guillaume (1866), puis Mamers (1871), bouleverse les déplacements et accélère le commerce. Le réseau local se compose de gares modestes mais actives jusque dans les années 1960.
  • La Résistance : le maquis de Neufchâtel est constitué à l’été 1944 autour de cheminots et d'agriculteurs. Plusieurs sabotages y sont conduits sur la ligne Le Mans-Alençon ; une stèle commémorative rappelle leur engagement (source : Comité départemental de la Résistance).

Légendes, anecdotes et lieux insolites

Tout ce patrimoine historique ne vaudrait pas la peine d’être raconté s’il n’était pas aussi hanté par une poignée de mythes, de personnages hauts en couleur et de souvenirs cocasses.

  • Les loups de la forêt de Perseigne : jusqu’au XIX siècle, la grande forêt (plus de 5000 hectares aujourd’hui) était réputée pour ses attaques de loups, jusqu’à ce que battues et pièges, parfois (mal) organisés, n’en viennent à bout (source : D. Bénard, “Histoires de la forêt de Perseigne”, 1978).
  • Béatrix de Gâvres : dame de Fresnay au Moyen Âge, elle aurait, selon la légende, repoussé une attaque normande en dégainant son épée… coiffée d’un simple bonnet de laine. Pure histoire locale, mais qui a valu sa statue dans l’église de Fresnay !
  • Les “cressonnières” de la Sarthe : au XIX siècle, on disait ici que toute la noblesse mancelle venait se ravitailler en cresson près de Maresché. Vérité ou exagération ? Le fait est que la production atteignait plus de 12 tonnes par an en 1871 (source : archives agricoles cantonales).

Des repères pour demain : transmettre la mémoire locale

La Haute Sarthe vit avec ses traces, parfois effacées, parfois vibrantes. On les retrouve dans :

  • Les fêtes de villages, comme celle du Battage à Moitron-sur-Sarthe, où chaque été on fait revivre le travail d’antan.
  • Les visites guidées de l’Office de Tourisme ou les balades contées autour de Fresnay, Beaumont ou Saint-Léonard.
  • Les initiatives citoyennes, à l’image de la réhabilitation du lavoir de Vernie ou du marais de Neufchâtel en sentier pédagogique.

Qui sait, dans cent ans, quels repères nos petits-enfants retiendront de la Haute Sarthe contemporaine ? Peut-être le café du coin devenu musée, ou la vieille ligne de chemin de fer qui abritera une mosaïque de souvenirs… En attendant, le meilleur moyen de ne rien manquer, c’est encore de prendre ses chaussures, un peu de temps devant soi, et d’aller y voir de plus près. En Haute Sarthe, l’histoire est un sentier qui commence à la porte de chez soi.

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