Quand l’Histoire façonne la Haute Sarthe : récits de pierres, de terres et de mémoire

20/06/2025

Quand tout commence : Préhistoire et Antiquité aux racines de la Sarthe

Avant la “Sarthe”, on parlait de tribus, de dolmens, et de rivières à remonter à la pagaie. Discrets mais têtus, des témoignages préhistoriques veillent sur nos campagnes – il suffit de tourner le dos au bitume moderne pour croiser les souvenirs d’un passé quasi immobile.

  • Des mégalithes qui n’ont pas tout livré : Dans le nord de la Haute Sarthe, de mystérieux menhirs tels celui de Domfront-en-Champagne, classé monument historique dès 1889, montrent que nos terres étaient habitées 3000 ans avant J.-C. (source : ). Ces pierres levées, parfois solitaires dans les champs, rappellent des cultes oubliés.
  • L’empreinte gallo-romaine : Plusieurs sites attestent d’une présence romaine, notamment à Beaumont-sur-Sarthe où l’on retrouve encore les vestiges d’une villa, et des fragments de voies gallo-romaines traversent la région (route du Mans à Jublains par exemple).

Mais la Haute Sarthe demeure en marge des grandes villes gallo-romaines comme Le Mans ou Jublains. Ici, la romanisation aura laissé surtout sa toponymie (lieux-dits en "-ac" ou "-ay"), quelques tessons de poterie, et ce rapport au terrain : ici, le village s’étire comme la voie antique, et le paysage garde la mémoire des premiers défrichements agricoles.

Moyen Âge : Châteaux, églises et querelles de clocher

Le Moyen Âge, ce n’est pas seulement des seigneurs en armure (quoique !), mais une époque qui façonne durablement la géographie humaine du pays. À partir du IXe siècle, la Haute Sarthe est sous l’influence de puissants seigneurs et – plus rarement évoqué – des moines venus d’Abbaye-mère.

  • Châteaux forts et motte féodale : Prenez la motte castrale d’Assé-le-Boisne, ou encore les forteresses de Fresnay-sur-Sarthe (le château remonte au XIe siècle), Beaumont ou Vivoin. Autant de points d’ancrage où l’histoire a laissé des tours, des murs, une impression de veille immémoriale.
  • L’essor religieux : La construction d’églises romanes du XIe au XIIIe siècle – parfois fortifiées, souvent ornées de fresques naïves comme à Vivoin – traduit un ancrage religieux fort. L’Abbaye de Vivoin (fondée au XIIe siècle) reste, aujourd’hui encore, un témoin vivant de ce mouvement.
  • Des villages “rues” : La structure de beaucoup de bourgs, notamment dans la vallée de la Sarthe (Fresnay, Beaumont), remonte à ce schéma médiéval : une rue principale, bornée de maisons à pans de bois et d’échoppes, autour d’une halle ou d’une église.

Au Moyen Âge, la Haute Sarthe connaît aussi querelles et exactions : guerres féodales, saccages lors de la Guerre de Cent Ans (notamment en 1428 lors du siège de Beaumont par les Anglais, source : ). Le terroir conserve le souvenir de cette époque rude, dans ses remparts et certains noms de hameaux liés à des fortins disparus.

Temps modernes : bocage, foires et révolutions discrètes

La Renaissance et l’Âge classique effleurent la Haute Sarthe sans la bouleverser. Pas de grands palais ici, mais des châteaux transformés, des presbytères rénovés, et, surtout, une transformation lente du paysage rural.

  • Le bocage sarthois : Entre le XVIe et le XVIIIe siècle, la généralisation des clôtures, des haies vives et des “bosses” façonne le fameux bocage. Issu à la fois des nécessités agricoles et des volontés seigneuriales, ce paysage fait la fierté de la région (environ 70% du territoire de la Haute Sarthe à l’époque ; source : ).
  • Églises restaurées et voûtes baroques : Nombre d’églises rurales voient leur décor enrichi au XVIIe siècle – boiseries, retables, statues – qu’on repère aujourd’hui en poussant la porte de petites paroisses comme Ségrie ou Saint-Ouen-de-Mimbré.
  • L’émergence des foires : Beaumont-sur-Sarthe, Fresnay, Vivoin… Les foires et marchés du XVIIIe siècle drainent tout le pays autour d’un commerce de vaches et de chevaux réputé. En 1774, la foire de Béthon remplit à elle seule le bourg d’acheteurs venus du Maine et de Normandie.

La période révolutionnaire, elle, est contrastée. La Haute Sarthe oscille entre soutien aux valeurs nouvelles (la vente des biens nationaux profite à certains notables locaux) et insoumission : des résistances plus ou moins bruyantes se font entendre au moment de la levée de 1793, notamment à Saint-Christophe-du-Jambet ou Maresché (source : ).

Le XIX siècle : révolutions rurales, industrielle... et humaines !

Contrairement à une image toute figée, le XIX siècle bouleverse la Haute Sarthe, dans ses moindres recoins. On assiste à l’arrivée du train, à la structuration de la société rurale, et aux premiers excès d’exode rural, qui laisseront durablement des traces.

  • Le train arrive en Haute Sarthe : 1867 marque une étape avec la création de la ligne “Alençon – Le Mans” : les gares de Fresnay, Beaumont, Sougé, font entrer la campagne dans la “modernité”. À la veille de la Première Guerre mondiale, la ligne transporte chaque année plus de 100 000 voyageurs et 140 000 tonnes de marchandises (source : ).
  • La Loire-Inférieure, Paris et l’exode : Dès 1850-1880, 10% de la population sarthoise quitte la campagne pour Alençon, Le Mans ou même la capitale (source : ). Il en reste aujourd’hui des maisons abandonnées et des friches villageoises.
  • Évolution de l’artisanat et de l’agriculture : C’est la grande époque du tissage, de la charronnerie, des sabotiers (Fresnay, Saint-Paul-le-Gaultier) … qui coexiste avec une agriculture réinventée — en 1894, près de 250 000 moutons paissent sur les landes du Haut-Maine (source : )
  • Patrimoine rural “moderne” : On voit apparaître dans les villages écoles républicaines (Brûlon, Ballon), mairies à fronton, lavoirs collectifs. La physionomie du village s’en trouve durablement transformée.

Guerres, Reconstruction, et 20 siècle : le pays des “Petits” témoins

Les deux conflits mondiaux n’épargnent pas la région. La Grande Guerre prélève de nombreuses vies (plus de 160 morts pour le canton de Fresnay), tandis que la Seconde Guerre mondiale laisse la trace des maquis (Livet-en-Saosnois, Hauterive), des réfugiés et parfois des destructions (ponts dynamités à Beaumont en 1944, source : ).

  • L’après-guerre et le remembrement : Dès les années 1950-60, le bocage subit une transformation profonde : près de 50% de la haie disparaît entre 1950 et 2000 (source : ). Si la “paysannerie” résiste, la Haute Sarthe se redéfinit autour de ses atouts de tranquillité et d’un patrimoine rural en renaissance.
  • Le renouveau patrimonial : Dès les années 1980, la valorisation de l’architecture de terre, des lavoirs, des moulins (Sougé, Saint-Aubin) témoigne d’une reconquête identitaire tournée vers les visiteurs… et les locaux redécouvrant leur histoire.

Un terrain de curiosités historiques à chaque détour

Marcher en Haute Sarthe, c’est feuilleter à chaque enjambée un (grand) livre aux marges pleines de surprises. D’un bas-relief roman caché sous un porche, à une haie entaillée par l’exode rural, ou un menhir oublié dans une friche, chaque époque a laissé ses traces – discrètes ou bavardes. Pour qui sait regarder, la Haute Sarthe offre aussi une “archéologie du quotidien” : vieille enseigne de sabotier, restes de marché aux bestiaux, fontaine miraculeuse restée célèbre le temps d’une génération…

  • L’histoire dans le paysage : le tracé des chemins (la fameuse “chemin de la Liberté”, utilisé par les maquis), les ponts et ferrées, l’organisation même des villages en parlent encore.
  • L’histoire dans la tête : Traditions, fêtes locales, expressions propres (“aller à la messe de minuit” qui se dit parfois simplement “faire savon” à cause de la procession des fabriques de chandelles à Noël, source : ethnographie locale), autant de petits héritages vivants.

La Haute Sarthe se lit comme un palimpseste : on efface, on recommence, mais les lettres anciennes ne s’effacent jamais complètement. On peut au choix écouter ces histoires devant un banc moussu, ou aller vérifier sur le terrain, carte et sourire en poche, la mosaïque d’époques qui compose notre patrimoine. La prochaine fois que vous croiserez une pierre tordue, une étrange ruelle, ou une foire rurale, c’est peut-être, qui sait, l’écume d’une grande période de l’histoire qui affleure…

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