Sur les traces du passé : musées et petites histoires en Haute Sarthe

Haute Sarthe, un territoire de mémoire

Avant de pousser les portes, il faut poser le décor. Nous sommes dans une région un brin secrète, là où la Sarthe prend ses aises à l’amont, entre prairies mouillées, bocage et petits villages de pierre ou de briques orangées. L’histoire y est faite d’agro-pastoralisme, de fabrication d’objets du quotidien, d’inventions modestes et de guerres traversées sans gloire ni défaite tapageuse. Ce sont ces petits récits du quotidien que collectionnent et racontent les musées locaux — pas des châteaux de Versailles, mais des écrins à hauteur d’homme, ou de femme.

Les musées incontournables de la Haute Sarthe

Petit tour d’horizon des lieux où l’histoire régionale s’expose, se partage, et parfois s’invente de nouveaux souvenirs.

1. Le Musée du Vélo – Villeneuve-en-Perseigne (Anciennement Tallard)

• Adresse : Place de l’Église, Villeneuve-en-Perseigne.
• Un air de chaîne bien huilée : Ici, il ne s’agit pas seulement d’exposer des deux-roues antiques sous vitrine. Le musée du Vélo, créé en 1989 par des passionnés, convie les visiteurs à suivre la saga du cyclisme local et national — entre hauts faits du Tour de France (saviez-vous que le village a accueilli une étape en 1986 ?) et destins d’anonymes du bocage.
• À ne pas manquer : La salle dédiée à Paul De Vivie, alias Vélocio, père du cyclotourisme moderne, et la collection de maillots ayant appartenus à des coureurs du cru.
• Visite guidée ou libre, anecdotes garanties.
• Source : [Haute Sarthe Alpes Mancelles Tourisme](https://www.hautesarthealpesmancelles-tourisme.com/)

2. Le Musée du Chanvre – Tessé-Froulay

• Adresse : Bourg, musée communal, Tessé-Froulay
• L’or vert avant l’heure : Ici, pas de grandiloquence mais toute une vie agricole condensée en outils, fibres et récits de grand-mères. Car le chanvre fut pendant des siècles la plante miracle d’un pays sans coton ; cordes, vêtements, papiers, tout y passait.
• Chiffre clé : La Sarthe produisait jusqu’à 2 000 hectares de chanvre au XIXe siècle, l’une des productions les plus importantes de France après le Loir-et-Cher.
• À voir : Démonstration de rouissage et teillage, le tout remis en scène chaque été lors de manifestations locales.
• Source : Archives Départementales de la Sarthe, dossier "Le Chanvre dans la Sarthe".

3. Le Musée du Jouet Ancien – Fresnay-sur-Sarthe

• Adresse : 2 rue du Bourgneuf, Fresnay-sur-Sarthe.
• Nostalgie à hauteur d’enfant : Ici, des générations entières de gamins des villages s’y retrouveraient. Poupées de chiffons, camions miniatures en tôle, jeux de sociétés, le tout rassemblé avec patience et un brin de malice depuis l’an 2000 par René Morin et ses amis collectionneurs.
• Insolite : Une vitrine dédiée aux jouets de guerre (poste d’observation miniature, chevaux de bois soldats), témoin du quotidien pendant les années de conflit.
• À noter : Les visites sont souvent accompagnées d’histoires orales, ce qui donne tout son sel à l’expérience.
• Source : Office de Tourisme des Alpes Mancelles

4. Le Musée Alain – Fresnay-sur-Sarthe

• Adresse : Maison natale du philosophe Alain, 14 place Thiers, Fresnay-sur-Sarthe.
• L’esprit du philosophe soufflé sur la ville : Une visite dans ce musée c’est toucher du doigt la vie d’Émile-Auguste Chartier, dit Alain, figure majeure de la philosophie française. Manuscrits, correspondance, souvenirs de classe au lycée du Mans… On remonte le fil d’une pensée “libre et inquiète”, enracinée dans la réalité villageoise.
• Évènement marquant : Depuis 2023, exposition “Alain, pédagogue et citoyen”, avec des documents rares prêtés par les descendants.
• Source : Fondation Alain, Ville de Fresnay-sur-Sarthe

5. L’Écomusée du Perche Sarthois – Saint-Jean-de-la-Motte

• Adresse : Prieuré de Vauboin, 1 Vauboin, Saint-Jean-de-la-Motte
• Un musée dans la campagne : Cet écomusée, à l’écart des routes pressées, fait revivre la ferme d’autrefois. Outillage, vêtements, mobilier, et surtout récits de vie collectés auprès d’anciens du secteur.
• Chiffres : Plus de 3 000 objets constituant une véritable mémoire des champs et des foyers paysans entre 1850 et 1950.
• À faire : Les animations durant la Fête des Blés (juillet), avec démonstrations de battage et moissons à l’ancienne.
• Source : Ecomusée du Perche Sarthois

Des lieux plus secrets, mais pas moins passionnants

Au-delà de ces musées phares, la Haute Sarthe se distingue par l'inventivité de ses habitants à préserver un patrimoine en mode “bouts de ficelle”. Quelques adresses méritent le détour, souvent le long de routes ou de chemins peu balisés.

• Maison du Sabotier – Saint-Pierre-des-Nids
  • Pédalant ou marchant, impossible de manquer le panneau évoquant ce métier disparu. Les démonstrations, toujours réalisées par un bénévole du cru, font revivre l’art de la confection des sabots, autrefois essentiels aux ouvriers et paysans du bocage.
  • Détail savoureux : on y apprend à “lire” l’usure d’un sabot pour deviner le caractère du porteur !
  • Source : Association Sabots & Traditions
• Musée de la Poterie – Saint-Victeur
  • Quelques vitrines dans l’ancien atelier, mais un univers entier de pots, cruches, terres vernissées : résultat d’une tradition potière lancée ici dès le Moyen Âge. Chaque pièce est estampillée du nom du village où elle fut toronnée.
  • Rareté : une poterie signée “Bazin 1823”, l’une des familles d’artisans sarthois les plus célèbres.
  • Source : Musée de la Poterie de Saint-Victeur, https://museedepoterie72.fr (consultation juin 2024)
• La Mine Bleue – Segrigny
  • Même si le site se trouve à la frontière nord, dans une zone longtemps ignorée, la visite de cette ancienne mine d’ardoise (exploitée jusqu’en 1921) vaut le détour pour comprendre le quotidien des mineurs sarthois, entre obscurité et fraternité forcée.
  • Chiffres : 10 km de galeries souterraines, dont 2 sont aujourd’hui sécurisées pour les visites.
  • Source : Mine Bleue Segrigny, archives locales

Pourquoi ces musées sont-ils si précieux ?

Les musées de la Haute Sarthe ne sont pas seulement des lieux où collectionner des objets hors d’âge. Ils servent, à leur mesure, de boîtes à mémoire et de précieuses pédagogies vivantes. Voici ce qui fait leur singularité :

• Transmission intergénérationnelle : souvent créés et gérés par des familles ou des groupes d’amateurs, ces musées servent de trait d’union entre les anciens et les plus jeunes. Les ateliers “main à la pâte” (tressage, jeux anciens, cuisine d’antan) sont monnaie courante.
• Racines locales : chaque visite aiguise la curiosité pour une façade, un nom de rue, un accent entendu sur les marchés. En sortant, impossible de voir le territoire d’un même œil.
• Éducation à la micro-histoire : c’est ici que l’on comprend l’importance de l’ordinaire dans la grande histoire, en voyant, par exemple, une blouse d’ouvrière ou l’ardoise d’un écolier échappée d’un pupitre en épicéa.
• Lieu de convivialité : les musées ruraux sont aussi des points de rencontre lors de fêtes, trocs, expositions temporaires ou bals musette. Il n’est pas rare de finir sa visite par une part de gâteau sarthois ou un verre de jus de pomme local… Autant dire que l’accueil y vaut tous les guides du monde.

Explorer autrement : les petits conseils pour curieux et flâneurs

• Avant la visite, renseignez-vous auprès de l’office de tourisme local sur les horaires et les petites expositions du moment, bien souvent absentes d’internet.
• Ne ratez pas les journées européennes du patrimoine (septembre), plusieurs petits musées sortent alors leurs plus belles pièces ou ouvrent exceptionnellement des zones habituellement fermées.
• L’été, guettez les affiches : les fêtes de village sont souvent l’occasion d’accéder autrement à des collections privées ou à des visites thématiques.
• Enfin, si le hasard vous mène à discuter avec un bénévole ou un ancien du village, tendez l’oreille : l’histoire locale est avant tout affaire de transmission vivante, parfois plus riche que toutes les vitrines alignées.

Entre vitrines et souvenirs à collectionner

Au bout du compte, la Haute Sarthe offre un patrimoine modeste mais vrai, accessible à pied ou à vélo, à travers champs ou au cœur des bourgs. Sillonner ses musées, c’est s’offrir un morceau d’enfance reconstituée, le goût d’un terroir, la saveur d’un récit à la première personne. Et la promesse que, même dans les coins les plus discrets, il y aura toujours une porte à pousser, un regard à croiser, une tradition à ranimer autour d’un objet étonnant ou d’une anecdote inédite.

Demain, osera-t-on inventer de nouveaux musées ? Ceux du numérique, de la mémoire agricole en mouvement, des clochers sans horloge ? Une certitude : ici, les histoires locales ne finiront jamais en poussière, tant qu’il y aura des curieux pour les écouter.