Chemins de traverse : À la découverte des villages à l’architecture remarquable en Haute Sarthe

03/06/2025

Pourquoi l’architecture rurale de la Haute Sarthe est-elle si singulière ?

Point de manoirs versaillais ici, ni de cathédrales flamboyantes ; mais en Haute Sarthe, de Sées à Alençon, l’architecture se forge sur un subtil mariage de matières et d’usages : pierre calcaire du Saosnois, silex, torchis, colombages et tuiles plates, sans oublier l’ardoise montante du Massif armoricain. Ce patchwork, hérité du Moyen Âge, porte la marque d’un territoire carrefour entre plusieurs influences : normandes, mancelles et ornaises. À travers les siècles, cette région a su préserver maisons paysannes, châteaux nains, églises souvent séculaires et détails qui font mouche au détour du chemin.

1. Fresnay-sur-Sarthe : Le bourg fortifié aux ruelles médiévales

Située à la frontière naturelle entre le Maine et la Normandie, Fresnay-sur-Sarthe (classée Petite Cité de Caractère) déploie sur son éperon rocheux un véritable concentré d’histoire bâtie. Arpentez les ruelles qui plongent vers la Sarthe : on y admire des maisons à pans de bois des XVe et XVIe siècles, parfois habillées de torchis jaune ou ocre, et souvent coiffées de toits à double pente couverts d’ardoises (« sarthoises », bien sûr). Au sommet, les vestiges massifs du château médiéval (XIe siècle) rappellent la vieille rivalité entre Normands et Plantagenêts ; l’ancienne halle en moellons de calcaire et la fière église Notre-Dame (XIVe-XVe) offrent un voyage architectural complet, du Moyen Âge jusqu’aux premières audaces de la Renaissance.

  • Maisons médiévales à encorbellements et poutres sculptées (rue du Bourg-Neuf, rue de la Ville Close)
  • Enclos fortifié du château, visibles douves et fragments de remparts
  • Place Bassum, superbes façades du XVIIIe siècle aux fenêtres à meneaux

Anecdote : Le porche Renaissance de l’église fut offert, dit-on, par une abbesse généreuse qui fit travailler les meilleurs tailleurs de pierre du coin… et leurs apprentis, selon certains détails volontairement naïfs.

2. Ségrie : Le village des manoirs cachés et des corniches de silex

Dans la vallée qui serpente au pied de la forêt de Perseigne, Ségrie passe souvent inaperçu… Sauf pour l’amoureux d’architecture fidèle. Car ici, le « petit patrimoine » foisonne : les murs à cailloux et silex alternés, parfois ourlés de briques rouges, révèlent une technique locale typique.

  • Manoir de la Bruyère (privé, XVIIe), modèle d’architecture rurale du Maine : façade symétrique, lucarnes à fronton, tuiles plates et brique encadrant portes et fenêtres
  • Église Saint-Pierre, nef romane (XIIe siècle) et abside reconstruite vers 1530
  • Nombreuses « maisons de maître » des années 1800 à porches à pan d’ardoise, et petits lavoirs maçonnés

Fun fact : Le plus petit des manoirs cachés du village n’a, paraît-il, jamais servi de logis : il fut construit comme « maison de chasse » par un notaire gourmet du XIXe siècle, fuyant sa belle-mère envahissante.

3. Saint-Christophe-le-Jajolet : La pierre blanche et les clochers romans

Petite sentinelle entre la Sarthe et le département de l’Orne, Saint-Christophe-le-Jajolet affiche sa rutilance de calcaire sous le soleil tout en discrétion. Ici, la majorité des bâtiments publics et maisons anciennes sont montés dans la splendide pierre blanche du pays.

  • Église Saint-Christophe : clocher « en bâtière » du XIIe, exemple rare de roman rural (ornementation sobre, chapiteaux sculptés d'entrelacs végétaux)
  • Quelques maisons du bourg affichent des linteaux et encadrements en pierre de taille, témoins des notables locaux d’autrefois
  • Ancienne ferme fortifiée, remaniée au début du XXe siècle, mais conservant un portail monumental original

À noter : Ces pierres-là viennent d’anciennes carrières toutes proches, utilisées aussi pour nombre d’habitations à Tomé d’Alençon, preuve que la Haute Sarthe bâtit solide et local (Source : Inventaire général du patrimoine culturel – Région Pays de la Loire).

4. Saint-Léonard-des-Bois : L’arche de la vallée, entre schiste et élégance de village de carte postale

Cerné par des méandres rocheux, Saint-Léonard-des-Bois est un village qui claque, entre escarpements du massif armoricain et volutes de la Sarthe. L’architecture suit : ici, la pierre de schiste gris bleuté, extraite sur place, donne aux maisons une allure trapue et chaleureuse.

  • Maisons à toit d’ardoise (façon anarchique parfois, mais d’une poésie rare), petites fenêtres à imposte, encadrements en brique crème ou calcaire
  • Chapelle Notre-Dame-du-Bois, bel exemple d’architecture « Manceau-Flamboyante » (XV-XVIe siècles) : pinacles, gargouilles, superbe rosace
  • Anciens moulins sur la Sarthe aménagés en habitations, donnant le vertige à l’imagination

Curiosité : La « maison du passeur » a conservé son anneau d’attache pour barque, vestige fascinant de la vie quotidienne des siècles passés, avant la construction du premier « pont de pierre ».

5. Mont-Saint-Jean : Village perché aux maisons de tisserands

Mont-Saint-Jean tape dans l’œil dès l’entrée, avec sa situation sur une butte et ses perspectives d’évasions toutes les saisons. Son histoire est celle d’un pays de tisserands et de petits artisans ruraux ; une marque retrouvée dans la diversité de ses façades.

  • Ruelle de la Vigne, ensemble de maisons de tisserands (XVIIIe-XIXe siècles) : petites ouvertures, caves voûtées pour garder le lin, toitures doubles
  • Ancienne halle au blé (XIXe), transformée en salle communale mais toujours notable pour ses colonnes en bois massif
  • Église Saint-Jean-Baptiste, nef romane et clocher torsadé qui fait tourner la tête

À retenir : Sur certaines pierres d’encadrement, on repère encore les marques des outils manuels des tailleurs, signature que la plupart de ces bâtisses étaient construites localement, par et pour les habitants.

6. Oisseau-le-Petit : Entre villa gallo-romaine et ruralité contemporaine

Avec son nom chantant et son allure paisible, Oisseau-le-Petit conserve l’empreinte de plus de mille ans de construction sur un même site. Ici cohabitent la rudesse de l’habitation agricole, les vestiges antiques et la créativité du XIXe siècle rural.

  • Ruines et mosaïques de la villa gallo-romaine d’Oisseau, site archéologique majeur (IIIe siècle, classé Monuments historiques, Source : Ministère de la Culture)
  • Habitat « percheron » : bâtisses allongées, toits élevés en ardoises, parfois en tuiles plates, larges portes charretières
  • Chapelle Saint-Pierre, traces d’un édifice roman en réemploi dans la construction actuelle (XVIe siècle)

Astuce locale : La belle alternance de brique et de silex sur plusieurs maisons de la Grand-Rue, typique du « nord Maine », offre un parfait prétexte pour une balade photo au lever du soleil.

7. Gesnes-le-Gandelin : L’héritière d’un passé industriel

À quelques minutes d’Alençon, Gesnes-le-Gandelin porte la mémoire du siècle industriel, blotti autour de son ancienne forerie et de ses maisons typiques d’ouvriers-paysans. Ici, l’architecture dit la lutte et la fierté.

  • Maisons à étage modeste, aux murs en moellons et encadrement de brique, souvent agrémentées d’un jardin potager en façade
  • Ateliers et forges reconvertis en habitations, avec parfois leurs toitures à croupes surmontées d’épis de faîtage en terre cuite
  • Église contemporaine, curieux mélange d’éléments anciens (XVIe) et de restes de la reconstruction d’après-guerre

À savoir : Les anciens ateliers de la forerie sont aujourd’hui encore visitables lors des Journées européennes du patrimoine.

Points communs et irrigation du bâti local

On l’aura compris, chaque village de la Haute Sarthe a sa partition, mais ils partagent des points forts : usage des matériaux du lieu (pierres, silex, brique, torchis), mixité architecturale (du Moyen Âge au XXe siècle) et un sens du détail discret – que l’on retrouve sur des portails, des enseignes, ou même le rythme fou d’un escalier extérieur.

  • Prédominance des toitures en ardoise et en tuiles plates
  • Fenêtres à petit-bois, linteaux droits ou bombés (influence du Perche voisin)
  • Parfois, un soupçon d’ornementation Art déco ou Art nouveau sur les maisons du début XXe

Chiffre à emporter dans la poche : La région de la Haute Sarthe et ses abords immédiats regroupent plus de 400 monuments ou ensembles bâtis d’intérêt patrimonial selon l’Inventaire général, dont près de 35 classés ou inscrits à l’inventaire des Monuments historiques (Source : Inventaire général Pays de la Loire – DRAC).

Petite boussole pour curieux et flâneurs

On pourrait continuer la promenade longtemps, tant il y a de villages-vitrines dans ce coin de la Sarthe. L’important, c’est d’oser le détour, d’entrer par la petite porte, ou même de demander au voisin la signification bizarre d’une enseigne sculptée. La Haute Sarthe n’est pas le pays des châteaux extravagants, mais celui des détails qui parlent fort. Et si, au prochain marché, vous entendez parler d’un linteau sculpté oublié ou d’une chaumière qui penche, allez voir, le patrimoine a encore des merveilles à chuchoter. Pour qui prend la peine d’observer, la Haute Sarthe déroule bien plus qu’un paysage : une mosaïque de villages à l’architecture rare, jamais figés, vibrants au gré des hommes et du temps. Faites-vous votre propre circuit, ouvrez l’œil, et gardez le nez en l’air… vous ne verrez plus le pays de la même façon.

Sources :

  • Inventaire général du patrimoine culturel–Région Pays de la Loire
  • Base Mérimée – Ministère de la Culture
  • DRAC Pays de la Loire
  • Association Petites Cités de Caractère
  • Patrimoine et Inventaire de la Région Normandie
  • Site officiel des Journées européennes du patrimoine

En savoir plus à ce sujet :

Propriété intellectuelle © payshautesarthe.fr. Tous droits réservés.