Entre haies, forêts et rivières : petits portraits croisés des paysages de Haute Sarthe

27/06/2025

La vallée de la Sarthe, colonne vertébrale et miroir

Impossible d’évoquer la Haute Sarthe sans arpenter ses berges et ses méandres. La rivière s’inscrit comme une dorsale, du nord vers le sud, traçant le sillon le plus lisible sur la carte. Ce n’est pas seulement un fil d’eau : c’est le fil du temps, le marqueur des activités humaines depuis le néolithique (des vestiges retrouvés près de Saint-Léonard-des-Bois le rappellent). Aujourd’hui, ses berges alternent :

  • Prairies inondables : rases et tapies, ces zones offrent une biodiversité rare, avec des orchidées sauvages et l’occasion, entre avril et juin, d’apercevoir des courlis cendrés ou des vanneaux, espèces protégées. (source : Ligue de Protection des Oiseaux, LPO Sarthe)
  • Champs ouverts et peupleraies : entre Oisseau-le-Petit et Beaumont-sur-Sarthe, la peupleraie marque de son vert tendre les bords de l’eau, propice aux balades à l’ombre — attention, le sol frémit sous les bulbes truffés de musaraignes.
  • Îlots humides : le long de la Sarthe, notamment du côté du Gué Ory, la rivière s’égare pour dessiner des “boires” — petits bras morts où grenouillent hérons cendrés et libellules.

Cette vallée n’est jamais tout à fait la même selon la saison : brumeuse à la Toussaint, étincelante au sortir du gel, explosive au premier fauchage du foin. C’est le paysage le plus vivant — et le plus “pays de Sarthe” assurément.

Bocages et haies : un patchwork qui sent bon la campagne

Amoureux des chemins creux et des paysages qui font des clins d’œil entre deux haies, bienvenue dans le bocage sarthois. La Haute Sarthe en offre une version particulièrement généreuse — selon le Conseil Départemental de la Sarthe, près de 5 000 km de haies tressent encore le territoire, malgré une régression depuis les années 1970. (source : CAUE Sarthe)

  • Haies doubles, chemins creux : typiques des abords d’Alençon ou de Fresnay-sur-Sarthe, ces sentiers encadrés de vieux charmes ou chênes, parfois jalousés de houx invincibles, sont le royaume du troglodyte mignon (petit oiseau bagarreur) et du promeneur mutin.
  • Prés clos : les pâtures raccommodées par ces haies accueillent les fameux troupeaux laitiers, mais aussi, côté plus original, des moutons solognots et chèvres des fossés, races locales remises à l’honneur récemment.
  • Bocage panoramique : sous la lumière rase, ces paysages cousus d’ombre offrent des couchers de soleil mémorables, particulièrement autour de Montreuil-le-Chétif.

Les bocages ne sont pas qu’un décor : ils protègent le sol de l’érosion, freinent le vent et servent de bande rectiligne à la vie sauvage (pouillots, belettes, grenouilles… c’est la ruche invisible).

Les forêts, l’épaisseur de l’histoire

On oublie souvent que la Haute Sarthe compte parmi les départements aux taux de boisement les plus bas de la région (environ 11%, contre 20% pour la moyenne nationale, source : Inventaire forestier national 2022). Pourtant, les fragments de forêts et boisements sont de vrais marqueurs du paysage, et pas seulement parce qu’on y perd ses clés…

  • La forêt de Perseigne : la plus grande d’un seul tenant (5 000 ha environ), c’est l’épais abri où se croisent chevreuils, sangliers, biches et coureurs du matin un peu courageux. Gérée par l’ONF, elle propose le Parcours de la Croix-de-Médavy, moins connu mais magique au petit matin.
  • Bois de Chemiré, de Maresché et de Ségrie : plus petits, anciens domaines seigneuriaux morcelés après la Révolution, ces « morceaux de forêts » forment des coulisses de fraîcheur, idéales pour débuter une collection de feuilles mortes ou de champignons (spécimen vedette : la girolle à partir de fin juillet).

Petit clin d’œil aux “futaies cathédrales” de Perseigne, où les chênes multi-séculaires, dressés comme des piliers, n’ont pas bougé depuis que la Sarthe était frontière avec la Normandie.

Marais, tourbières et zones humides : l’eau qui murmure

Moins connues, les zones humides sont le théâtre secret de la Haute Sarthe. Ces marais, autrefois rognés pour le foin et la pâture maigre, sont depuis 20 ans remis en lumière pour leur biodiversité exceptionnelle. (source : Conservatoire d’Espaces Naturels des Pays de la Loire) Quelques spots immanquables :

  • Marais du Tronchet (à Sougé-le-Ganelon) : près de 70 hectares, avec une flore unique (drosera, callune, linaigrette). Au printemps, les grenouilles rousses y tiennent concert les soirs de pleine lune.
  • Tourbières de Villaines-la-Carelle et Saint-Rigomer-des-Bois : rescapées des siècles — jusqu’à 4 mètres d’épaisseur de tourbe par endroits ! — elles stockent l’histoire (et le carbone) en silence.

Ces milieux rares jouent un rôle vital contre les inondations et accueillent un cortège d’espèces en danger : papillons cuivrés (Lycaena dispar), tritons crêtés, iris des marais, pour ne citer qu’eux.

Plaines agricoles et horizons ouverts : la “petite Beauce”

La Haute Sarthe, ce n’est pas que des ruisseaux dans la brume et de la haie campagnarde, loin s’en faut. Une bonne partie du territoire, notamment autour de Beaumont-sur-Sarthe et Ballon-Saint-Mars, décline des étendues ouvertes, modelées par la grande culture (blé, colza, orge, parfois tournesol). On appelle parfois cette partie la “petite Beauce sarthoise”, clin d’œil à la grande plaine céréalière d’Eure-et-Loir.

  • De fin mai à fin juillet, les champs virent du vert tendre au jaune éclatant et finissent paille au cœur de l’été.
  • Scène de saison : >li>Le ballet des moissonneuses et la procession lente des tracteurs narguent alors la ligne d’horizon.
  • Ouvrez l’oeil ! Ces plaines sont le domaine favori du busard cendré et de la perdrix grise, deux espèces protégées. (source : LPO Sarthe)

La lumière, ici, s’étend sans fil — coucher de soleil spectaculaire en bord de route, promesse d’or et de vent. On y sent, parfois, le vertige des grands espaces.

Falaises, collines et vallons : les reliefs inattendus

Ce qu’on ne soupçonne pas toujours, c’est la diversité des formes. La Haute Sarthe, tout en étant modeste côté altitude (point culminant : 416 m à la butte de Perseigne), offre une série de collines, de crêtes et même quelques rochers inattendus.

  • Les Alpes Mancelles : autour de Saint-Léonard-des-Bois et Saint-Céneri-le-Gérei, la Sarthe se fait torrent et sculpte un relief spectaculaire, avec gorges, escarpements et sentiers en balcon (le Mont Narbonne culmine à 217 m, mais son effet « montagne » est garanti !).
  • Les buttes et collines : au nord, la Butte de Ballon, la colline de Montreuil-le-Chétif ou la butte de Tuffé offrent de jolis belvédères, souvent occupés jadis par des moulins à vent (vestiges encore visibles).
  • Les falaises de Saint-Pierre-sur-Orthe : sur le rebord oriental, les affleurements de grès et schistes offrent un paysage sec, presque méditerranéen en plein mois d’août.

Côté anecdotes : lors de l’hiver 1963, le Mont Narbonne fut si enneigé que les habitants racontent être descendus à luge depuis les toits du village (relaté dans ).

Villes, villages et paysages façonnés par l’homme

À la campagne, le paysage rural n’est jamais vraiment « naturel ». L’empreinte humaine s’inscrit partout, en douceur ou plus franchement :

  • Villages-rues et bourgs compacts : Fresnay-sur-Sarthe ou Saint-Ouen-de-Mimbré, c’est la pierre blanche, les toits d’ardoise et la façon dont les maisons s’agrippent aux rives.
  • Lavoirs, moulins, ponts : témoins du passé, ces petites constructions dessinent l’identité du paysage (vous en trouverez jusqu’à 28 entre Alençon et Sillé-le-Guillaume, base inventaire du patrimoine Sarthe)
  • Chemins de randonnée balisés : un réseau dense (plus de 500 km dans la seule Haute Sarthe, source : Sarthe Tourisme) permet d’arpenter ce puzzle à pied, à cheval, à vélo.

Cela sans compter les “petits plus” : pommiers couverts de gui en hiver, granges ouvertes sur la fraîcheur, mares et puits secrets…

Pour voir la Haute Sarthe autrement

On pourrait poursuivre la liste encore longtemps : carrières d’argile, sablières abandonnées, vergers disséminés, vignes insurgées dans les coteaux du nord… Mais ce qui fait la Haute Sarthe, au fond, c’est l’accordéon de ses paysages, cette diversité qui surprend derrière chaque haie ou virage. On y croise la pierre, l’eau, le vert et le ciel dans toutes leurs nuances, chaque saison réajustant les couleurs.

C’est le genre de territoire où l’on peut marcher quelques kilomètres et traverser quatre mondes différents. Voilà pourquoi, ici, il vaut mieux prendre son temps — et, qui sait, oser un détour par un chemin creux, se perdre en forêt ou attendre la brume le matin. Vous risquez d’y tomber amoureux d’une lumière, d’un point de vue, ou même… d’un silence nouveau.

Et si on prolongeait la balade ? Partagez vos coins préférés ou vos découvertes dans les commentaires : la Haute Sarthe a encore bien des secrets au fond de ses poches.

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