Saint-Céneri-le-Gérei : Le Village qui Fait de l’Ombre aux Cartes Postales

16/09/2025

Un hameau posé dans un méandre : la signature d’un paysage

Saint-Céneri-le-Gérei, c’est le genre de village qui n’a pas besoin de tirer la couverture à lui : il laisse faire le décor. Quelques dizaines de maisons, un vieux pont, une église perchée sur la verdure, et la Sarthe qui serpente nonchalamment autour des pierres et des prairies. Ici, tout invite à ralentir — même la rivière semble se retenir de partir trop vite.

Pour les amoureux du relief, on est au cœur des Alpes mancelles. Pas d’Everest, rassurez-vous, mais des coteaux et falaises de grès armoricain, vestiges d’une époque où les plateaux de l’Ouest rivalisaient en bosses avec l’Est. Le village s’installe pile dans un méandre prononcé, une presqu’île picturale, qui explique une partie de sa singularité. Ni trop inaccessible, ni trop exposé, il est protégé, presque caché des vents et des regards rapides du voyageur pressé.

Le label “Plus Beaux Villages de France” : un coup de tampon mérité

Ce label, tout le monde le croise sur les panneaux à l’entrée de certains villages, mais peu savent que la sélection tient plus du parcours du combattant que de la simple cooptation. Pour rejoindre ce club (qui compte 176 élus en 2024, source : Les Plus Beaux Villages de France), il faut remplir 30 critères précis, allant du patrimoine bâti à l’environnement paysager, en passant par la vitalité communale.

  • St Céneri-le-Gérei coche allègrement toutes les cases : moins de 2 000 habitants (109 à l’année — source INSEE 2021),
  • un patrimoine classé sur 8 hectares,
  • près de 30 édifices inscrits ou classés aux Monuments Historiques,
  • et un site naturel protégé par une Zone Naturelle d’Intérêt Écologique Faunistique et Floristique (ZNIEFF).

Ce qui frappe ici, c’est que tout semble préservé sans être mis sous cloche. Les habitants y vivent, les volets claquent, l’auberge embaume la région de cuisine sarthoise, on ne se sent pas muséifié, juste accueilli à bras ouverts.

Patrimoine : pierres vivantes et secrets bien gardés

L’immanquable église romane

C’est un peu la reine du village : perchée sur la rive, l’église Saint-Céneri, du XIe siècle, domine la vallée. Avec sa nef trapue et ses fresques du XIIe (redécouvertes à la bougie en 1856 par hasard par Prosper Mérimée, inspecteur des Monuments historiques de l’époque), elle offre à la fois un panorama sur la Sarthe et un voyage dans le temps.

  • Anecdote : L’une de ses fresques, représentant des apôtres, demeure incomplète. Plusieurs versions circulent, dont celle du peintre ayant fui un dragon imaginaire (on a le sens du drame en Sarthe).

Le vieux pont et la maison du légendaire peintre Harpignies

Si l’on traverse le fameux pont de pierre (qui date de 1850, remplaçant deux passerelles emportées par les crues, source : Archives départementales de l’Orne), on arrive face à la Maison du peintre Victor Harpignies. Il fut l’un des premiers à tomber sous le charme du village, qui devint le fief d’une véritable colonie d’artistes paysagistes, dès la fin du XIXe siècle.

Ce n’est pas un hasard si Saint-Céneri fut surnommé le “Barbizon de l’Ouest”. Millet, Corot, ou encore Mary Renard y ont laissé leurs pinceaux. Un musée communal et la galerie ouverte “la Fleur des Arts” racontent aujourd’hui cette histoire.

Le prieuré et son jardin suspendu

Un peu à l’écart, le Prieuré, racheté à la commune en 1976, conserve des éléments du XVIe. Niché au sommet du village, son jardin suspendu surplombe la Sarthe et offre une pause bucolique où le patrimoine flirte avec les rosiers anciens.

On y organise tous les ans, en septembre, les “Rencontres Artistiques de Saint-Céneri”. Peintres et sculpteurs investissent les rues et les maisons, renouant avec la tradition des artistes bohèmes.

Nature omniprésente : paradis pour les randonneurs et les sauterelles

Saint-Céneri-le-Gérei, c’est avant tout une invitation à la contemplation active. On y compte pas moins de cinq sentiers de randonnée balisés depuis le village, dont deux PR (promenades et randonnées officielles, source FFRandonnée). De la balade familiale de 3 km aux boucles plus sportives grimpant vers la Roche Brune, les panoramas se méritent, mais restent accessibles à toutes les mollets — ou presque.

Quelques points à ne pas manquer pour les explorateurs :

  • Le panorama depuis la Chapelle Saint-Céneri (XVe siècle), à l’extrémité du pont, qui raconte la légende de la source miraculeuse du saint éponyme : on y dit que l’eau guérit les yeux malades et fait pousser les rhododendrons plus vite.
  • Le circuit de la Vallée de la Sarthe, aux airs de petit Canada sarthois, agrémenté de tapis de primevères au printemps et de trois espèces de chauves-souris protégées (source : Parc naturel régional Normandie-Maine).

Ce site naturel, classé “Site inscrit” dès 1945, s’intègre au Parc naturel régional Normandie-Maine, garantissant aujourd’hui une biodiversité soigneusement surveillée. La Loutre d’Europe y fait parfois son apparition, au détour des berges.

Hospitalité et art de vivre : simplicité et bons goûts réunis

Si Saint-Céneri attire les artistes comme les photographes, il a aussi la réputation d’accueillir sans chichis ni manières. C’est un des rares villages de cette taille qui abrite encore une auberge à l’ancienne (et même deux !), une épicerie-café associative (La Maison d’André), et une mairie ouverte à l’année (les jours de marché, on discute aussi baux et coupe de cheveux…).

Quelques haltes incontournables :

  • L’Auberge des Peintres : Sa terrasse en surplomb de la Sarthe est un secret connu de tous les randonneurs de passage.
  • Le Presbytère : Chambres d’hôtes douillettes (mention spéciale aux petits-déjeuners maison servis avec le sourire).
  • La Guinguette de l’Eté (ouverte juillet-août), où la bière locale coule avec le babillage des hirondelles.

On dit qu’ici, la tarte aux pommes est tellement fine qu’on voit le clocher à travers. Les produits locaux viennent de la vallée, du pain à la viande, cela donne un goût de tradition qui ne triche pas avec l’authenticité.

Un village vivant toute l’année : foires, marchés, fêtes

Contrairement à beaucoup de bourgs touristiques figés hors saison, Saint-Céneri-le-Gérei reste habité : en témoigne le calendrier des évènements orchestré par la municipalité et les associations. Marché estival de producteurs locaux, brocante de juin (qui rassemble plus de 3 000 visiteurs en une demi-journée, source Ouest-France), ou concerts dans l’église l’hiver, les occasions de se retrouver ne manquent pas.

  • Le Festival des Rencontres Artistiques (mi-septembre) attire curieux et amateurs d’art du Grand Ouest.
  • La Fête des Jardins et des Plantes (fin mai) met à l’honneur légumes anciens et plantes rares, une tradition que l’on doit aux jardiniers du prieuré.
  • Le marché de Noël (premier dimanche de décembre) serpente entre les venelles éclairées de guirlandes : ambiance à la Dickens garantie.

Saint-Céneri-le-Gérei aujourd’hui : protéger sans figer

Devenir “Plus Beau Village de France”, ce n’est pas seulement rafraîchir ses façades tous les printemps ou interdire les devantures en PVC. C’est aussi (et surtout) préserver un tissu vivant, où les maisons ne se transforment pas toutes en résidences secondaires, où l’école reste ouverte (Saint-Céneri accueille encore une douzaine d’élèves), et où les touristes sont les bienvenus, tant qu’ils respectent l’ambiance paisible du lieu.

Les enjeux de l’avenir sont bien présents ici aussi : gestion de la fréquentation, entretien du bâti, préservation de la biodiversité, et renouvellement des activités locales. Le village s’appuie sur son inscription au Parc naturel et sur un Plan local d’urbanisme protecteur pour avancer, sans se transformer en décor de cinéma comateux.

Quitter Saint-Céneri… ou y revenir, toujours par magie

Ceux qui ont goûté un matin de brume devant les noisetiers en fleurs le disent : il y a de la magie à Saint-Céneri. Non pas celle qu’on retrouve dans les guides touristiques, mais bien celle qui fait qu’on se sent chez soi sans y avoir vécu, que les pierres racontent aux poètes de passage.

À la prochaine visite, laissez le portable au fond du sac, flânez sans but, observez la lumière irréelle du soir sur le pont… et guettez toutes ces raisons, petites et grandes, qui font qu’ici, sur la Sarthe, les villages sont encore des pays entiers.

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