Haute Sarthe médiévale : sur la piste des pierres et forteresses oubliées

10/06/2025

Commençons par le commencement : qu’appelle-t-on vestiges médiévaux ?

Il faut préciser les choses : un vestige médiéval, c’est tout ce qui subsiste ici de la longue période qui va du Ve au XVe siècle. Châteaux, églises, ponts, enceintes, lieux de pouvoir mais aussi croix, fours banaux, maisons à pans de bois... Autant de traces, parfois infimes, qu’un œil pressé laisse filer, mais qui racontent la construction du territoire, ses peurs, ses espoirs et son organisation.

Châteaux et forteresses : nobles pierres, vassaux effacés

Restes de châteaux forts : entre ruines et réminiscences

Les Pays de la Haute Sarthe n’ont certes pas la densité de donjons que l’on croise dans le Perche voisin, pourtant, une poignée de châteaux médiévaux en a marqué la topographie :

  • Le château de Fresnay-sur-Sarthe Ce n’est pas Versailles, mais ses vestiges ont une noblesse certaine. Les tours d’enceinte côté Sarthe, fragment d’un ouvrage du XIe siècle, rappellent que Fresnay fut un site stratégique disputé entre Anglais et Français durant la guerre de Cent Ans. Aujourd’hui, ce sont surtout les soubassements, pans de remparts en schiste et la porte d’entrée qui veillent sur le promontoire (source : Mairie de Fresnay-sur-Sarthe).
  • La motte de Saint-Léonard-des-Bois Surmontée de son “château féodal”, aujourd’hui ruiné, elle offre ce que l’on appelle, dans le jargon des archéologues, un site castral de toute beauté. une motte artificielle du XIe siècle, entourée de fossés secs et de remblais, visible sur la colline qui veille sur le village, vestige typique du début du Moyen Âge féodal (infos : base Mérimée, Ministère de la Culture).
  • La motte de Mont-Saint-Jean Assez spectaculaire par sa taille : plus de 8 mètres de hauteur, on devine encore la plateforme sommitale entourée de fossés en eau lors des crues. Les couches de remblais y sont bien conservées, offrant un site d’étude fréquenté par de nombreux chercheurs. 
  • Château d’Oisseau-le-Petit Rien de massif en surface, mais la butte castrale, probablement du XIIe siècle, subsiste dans les sous-bois à proximité de l’église, accompagné de légendes de souterrains “habités par des moines fantômes”, selon la tradition orale locale (source : Société historique du Maine).

On pourrait multiplier les exemples de mottes et vestiges, tant ils sont nombreux à ponctuer les champs. Si vous regardez bien sur certains plans cadastraux, les lieux-dits “La Motte”, “Le Château”, “La Cour” ne sont jamais anodins...

Tour de l’enceinte urbaine de Beaumont-sur-Sarthe

Au Moyen Âge, la ville de Beaumont-sur-Sarthe était défendue par une enceinte – vestiges dont il reste, rue de la Barbacane, une tour du XIIIe siècle. On en retrouve les soubassements dans les caves de certaines maisons. Beaumont fut longtemps la capitale du Maine normand, son château, démoli au XIXe, surveillait un gué stratégique sur la Sarthe, point clef des échanges et des invasions (source : Mairie de Beaumont-sur-Sarthe).

Églises médiévales : des pierres pour l’éternité

Si les châteaux sont discrets, les églises médiévales, elles, jalonnent les vallons, offrant des haltes de silence et de beauté. Qu’elles soient modestes chapelles rurales ou vastes paroisses, elles gardent sur leurs murs les signes de plusieurs siècles de foi et de communauté.

  • Église Saint-Denis de Saint-Denis-sur-Sarthon : Construite sur un plan basilical probablement dès le XIIe siècle, elle conserve une nef romane et des éléments gothiques ajoutés au fil de l’eau. Ses chapiteaux sculptés représentent des motifs floraux et fantastiques, typiques de la transition romane-gothique dans le Maine. Selon la base Mérimée, plusieurs pierres utilisées pour l’édification proviennent de ruines gallo-romaines proches.
  • Église Saint-Julien du Gué Ory (commune de Gesnes-le-Gandelin) : Plus confidentielle, elle est réputée pour ses fragments de fresques du XIIIe siècle, découverts sous le badigeon lors de travaux en 1979. Ces peintures, conservées dans le chœur, constituent l’un des rares témoignages locaux de l’art mural médiéval, au-delà du patrimoine monumental.
  • Église Notre-Dame de Vivoin : Vestige de l’abbaye bénédictine fondée en 1004. L’église a été en grande partie rebâtie au XVe, mais la façade occidentale et les voûtes du chœur sont encore médiévales. L’ensemble, aujourd’hui dédié à des manifestations culturelles, forme l’un des pôles patrimoniaux majeurs du secteur (voir site de l'Abbaye de Vivoin).

Il faut aussi mentionner les modillons sculptés sous les toits, trop souvent ignorés : petits visages grotesques, scènes de la vie quotidienne ou animaux magiques, ils sont les témoins muets d’une époque où l’église rythmait chaque heure.

Ponts, moulins et autres ouvrages : circuler au Moyen Âge

Point trop de pont-levis ni d’énormes chaussées ici, mais quelques franchissements bien sentis :

  • Pont médiéval de Saint-Céneri-le-Gérei : Premier pont en pierre, du XIIIe siècle, il conserve deux arches d’origine (le reste fut remanié au XIXe). Aujourd’hui, il fait partie à part entière du charme indéniable de ce “plus beau village de France”, reliant les deux rives escarpées de la Sarthe. Les carriers locaux racontaient que ses pierres proviennent des carrières voisines du Mont-Rochemont.
  • Ancien moulin de Bouessay (Champfleur) : Mentionné dès 1285 dans les archives du chapitre du Mans, ce moulin sur la Sarthe partageait la gestion des eaux, élément stratégique pour les seigneurs locaux qui taxaient chaque fournée de pain (source : Documents historiques du Maine).
  • Restes de l’enceinte de la ville close de Sillé-le-Guillaume : Si la majeure partie des fortifications date de la Renaissance, plusieurs tronçons de mur (dont “la porte Béatrix”) remontent au début du XVe siècle, époque des Guerres de Cent Ans, où Sillé était une place forte avancée face à la Normandie.

Ponctuellement, on trouve également dans les hameaux des croix en pierre du XIIe ou XIIIe siècle, servant à la fois de repères, de bornes et de monuments religieux, un patrimoine rural parfois oublié.

Des vestiges dans le quotidien : patrimoine invisible, présents sensibles

Certains vestiges, plus subtils, se camouflent dans la vie de tous les jours :

  • Linteaux gravés et maisons à pans de bois : Dans les centres anciens de Fresnay, Beaumont, ou même Mamers, chaque façade à colombage ou linteau sculpté, daté parfois du XVe siècle, offre un écho discret au passé médiéval.
  • Chemins creux et anciens gués : Parcours sinueux qui relient fermes et anciens villages, souvent calés sur le tracé des voies romaines puis sur celles des pèlerins du Moyen Âge.
  • Lieux-dits et toponymes médiévaux : Les noms de lieux comme “La Motte”, “La Cour”, “Les Fossés” ou “Le Vieux Bourg” ne sont pas que poétiques : ils signalent d’anciens sites castraux, enclos paroissiaux ou abbayes disparues.

Souvent, le vrai Moyen Âge n’est pas dans la pierre mais dans la culture orale, l’agencement des villages, la persistance des marchés (Fresnay-sur-Sarthe a conservé sa halle sur piliers de bois depuis le XVe siècle !), les rites et les fêtes. Une sorte de patrimoine vivant, qui résiste au temps.

Les vestiges méconnus : anecdotes et trouvailles archéologiques

Quelques anecdotes qui valent le détour :

  • En 2007, lors de travaux à Saint-Ouen-de-Mimbré, une épée “carolingienne” a été retrouvée dans le lit d’un petit ruisseau, datée du début du Xe siècle selon les analyses du service régional de l’archéologie (source : Les Amis du Pays Montois).
  • À Ségrie, une poterne murée découverte lors de la rénovation d’une maison aurait jadis permis d’évacuer discrètement, au temps des Grandes Compagnies, les seigneurs menacés.
  • À Doucelles, le canal du “Vieux Moulin” suit le tracé d’un bief creusé au XIIIe siècle pour alimenter une fortification dont il ne reste que des soubassements de granit.
  • Dans le cimetière de Crissé, une stèle funéraire, gravée de symboles inconnus, a intrigué plus d’un épigraphiste : peut-être la marque d’un pèlerinage oublié.

Le Moyen Âge en Pays Haute Sarthe, une invitation à explorer… autrement

Que l’on suive le fil des remparts ou celui d’un sentier ombragé, la Haute Sarthe médiévale n’en finit pas de surprendre ceux qui prennent le temps de regarder. Les vestiges ne sont pas seulement dans la pierre, on les retrouve aussi dans l’agencement des bourgs, la toponymie, les marchés ou même dans certaines recettes locales transmises de génération en génération.

La prochaine fois que vos pas ou vos roues vous portent dans la région, n’hésitez pas à faire un détour par ces humbles témoins du temps, à discuter avec ceux qui les côtoient depuis des lustres : chaque ruine, chaque pierre, chaque anecdote livre alors un petit bout de l’âme du pays.

Un dernier conseil : munissez-vous d’une bonne paire de chaussures, d’une carte IGN (oui, le GPS ne fait pas tout) et surtout d’une curiosité sans œillères. Les vieilles pierres aiment qu’on vienne à leur rencontre, mais encore faut-il leur prêter attention. Qui sait, peut-être aurez-vous, au détour d’un chemin, la chance de tomber sur un secret du Moyen Âge… encore bien gardé.

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