Pays Haute Sarthe : Petites singularités et grandes différences avec le reste de la Sarthe

30/08/2025

Un territoire rural à contre-courant des clichés sarthois

Quand on fouille un peu, la Haute Sarthe affiche, sans s'en vanter, une culture paysanne plus tenace et différente qu’ailleurs dans le département.

  • Un bocage persistant : Là où le sud et l’est du département ont connu remembrements et paysages ouverts, la Haute Sarthe – et particulièrement autour de Sillé-le-Guillaume, Beaumont-sur-Sarthe ou Fresnay-sur-Sarthe – a conservé des reliefs bocagers. Haies serrées, chemins creux, petits prés enchâssés… une survivance rare quand 60% des haies du département ont disparu depuis 1950 (DREAL Pays de la Loire).
  • Le pays des petites fermes : Longtemps, la superficie moyenne des exploitations y est restée inférieure à celle de la plaine mancelle ou du Perche sarthois. Une mosaïque de patrimoines et de modes de production, qui a favorisé une diversité paysagère… et un art certain de la débrouille.

Bref, s'il existe un "pays du faire-avec", c'est bien ici : bricolage, transformation à la ferme (beaucoup de pommes, poires, et même une tradition du cidre qu’on croit plus normande), solidarité entre voisins. On cultive la différence, sans tapage, mais dans chaque calendrier agricole et chaque marché d’automne.

Une toponymie et une langue marquées par la frontière du Maine

Ici, on ne parle pas tout à fait comme au Mans, ni à la Mayennaise pure. Les vieux connaissent encore des mots qu’on ne trouve que dans l’ancienne province du Maine…

  • L’influence du Maine : Avant la Révolution, la Sarthe n’existait pas : la Haute Sarthe appartenait au Maine. Certains mots sont restés. On dit encore « fouace » au lieu de « brioche » ou « galette », et les « patouillards » pour désigner les flaques de boue.
  • Toponymie typique : Regardez les panneaux : il y a ici plus de la moitié des villages finissant en « -sur-Sarthe », reflet d’une culture très attachée à sa rivière (Pas moins de 26 communes !). D’autre part, nombre de lieux-dits perpétuent des noms de familles ou des termes agraires disparus ailleurs, comme les « Courteries », « Galereries », ou « Gouberteries ».

Le parler du coin se nuance aussi d’un accent, plus nasillard et traînant, hérité du Maine… On l'entend moins chez les jeunes, mais tendez l’oreille aux comptoirs des petits bistrots ou lors des fêtes de villages.

Des fêtes, légendes et traditions qui ne se retrouvent qu’ici

Un terroir, c’est aussi un calendrier de rendez-vous joyeux et quelques histoires à frissonner. La Haute Sarthe a ses singularités, là aussi…

  • Les Fêtes de la Moisson et marchés médiévaux : Le calendrier rural de la Haute Sarthe conserve davantage qu’ailleurs des fêtes liées à la terre. À Fyé, à Douillet-le-Joly, à Oisseau-le-Petit, la fête de la moisson se double souvent de démonstrations de vieux métiers oubliés.
  • La Nuit des Légendes à Saint-Léonard-des-Bois : Ce rendez-vous, créé dans les années 1990, renoue avec de vieilles croyances : ceux des "loups-garous" jetés dans la Sarthe, ou des saints auréolés de pouvoirs magiques – un héritage entre Maine et Normandie, rare dans le reste du département où la mythologie est plus sage (Ouest-France).
  • Des foires insolites : À Beaumont-sur-Sarthe, la « Foire aux Oignons » (premier lundi d’octobre) accueille chaque année des centaines de visiteurs depuis le XVIIIe siècle. On y vendait jadis plus d’oignons que de pommes… et certains viennent encore de loin pour leur soupe géante.

Autre trait : la Haute Sarthe a gardé une forte culture associative autour de la musique trad (corps de chasse, chorales rurales, groupes d’accordéon) et du « baluche », la fête de village dont le rythme dépasse volontiers minuit.

Un patrimoine bâti à la fois modeste, inventif… et sous-estimé

La Haute Sarthe n’aligne pas de citadelles imprenables à la Sablé-sur-Sarthe ou d’Abbaye réputée à la Solesmes ; pourtant, son patrimoine respire l’inventivité rurale :

  • Des manoirs cachés : Contrairement au sud ouest de la Sarthe, riche en châteaux Renaissance, la Haute Sarthe propose une grappe de manoirs « tournés-cour », à demi cachés dans le bocage. À Saint-Marceau, Saint-Victeur ou Juillé : style manoir-ferme, façades sobres, pigeonniers imposants (ex. Manoir de la Cour, à Asnières-sur-Vègre).
  • La maison de tuffeau revisitée : On trouve ici une « maison pays de Loire » adaptée – les maisons dites « à souche », souvent en moellons de calcaire, mais ajustées à la fraîcheur et l’humidité du bocage.
  • Des ponts et ouvrages oubliés : La Haute Sarthe conserve nombre de ponts médiévaux (Beaumont, Fresnay), lavoirs en bord de Sarthe, et moulins à eau, vestiges d’une rivière omniprésente et domestiquée pour mille usages dès le Moyen Âge (Service Régional de l'Inventaire).

Au passage : saviez-vous que la commune de Saint-Léonard-des-Bois compte à elle seule plus de 53 bâtiments protégés au titre des monuments historiques ou répertoriés à l’Inventaire ? C’est le double de certaines communes bien plus grandes du Loir ! (Base Mérimée/POP Culture)

Le goût du « local » : produits et savoir-faire uniques

Ultra-terroir, la Haute Sarthe ? On pourrait dire ça, tant les niches de production ont survécu, à rebours des grandes tendances sarthoises.

  • Poiré, pommé et colin : La tradition du poiré (boisson à base de poires fermentées) y est encore bien vivante, plusieurs exploitations le produisent entre Fresnay et Bourg-le-Roi. Le pommé (longue cuisson de pommes et cidre) se retrouve notamment lors des fêtes d’automne.
  • Le boudin noir de Marolles-les-Braults : Réputé jusqu’à Alençon – un secret bien gardé, comparé à la rillette du Mans.
  • L’artisanat du cuir : À Fresnay-sur-Sarthe, demeure l’un des derniers ateliers artisanaux spécialisés dans la maroquinerie, héritier des activités de tanneries du XIXe siècle, quand la Sarthe valait toutes les Arnoises.
  • Les marchés de producteurs « circuit court » : Dès le printemps, chaque vendredi à Beaumont, Sillé ou Saint-Pierre-des-Nids (le dernier, juste de l’autre côté de la frontière normande…), on y trouve encore du beurre cru, des tommes locales, et des légumes peu vus ailleurs – potimarron rouge vif, haricots secs à rames, etc.

Ce ne sont pas de grandes AOC, mais des gestes et des goûts qui font recette… et qui commencent sur les tables familiales avant de s’inviter chez les restaurateurs du coin (citons par exemple La Table d’Olivier à Sillé).

Art de vivre et rapport aux voisins : l’effet « carrefour »

La Haute Sarthe a la particularité d’être au carrefour du Maine, de l’Anjou, du Perche et de la Normandie. Ici, on brasse les influences mais on résiste gentiment à la dilution culturelle (Parc Naturel Normandie-Maine). Ce carrefour a renforcé :

  • Un accent, entre "e" traînant, mots du Maine et ponctuations percheronnes.
  • Des alliances familiales – nombre de familles naviguent entre Sarthe, Orne et Mayenne.
  • La tolérance pour les « étrangers », mais avec un goût marqué pour le « vivre caché, vivre heureux ».

Paradoxalement, cette culture du « coin reculé » (on n’est pas sur le TGV…) nourrit l’entraide et une hospitalité sincère, dans l’esprit bénin de ceux qui aiment voir passer les rivières plus que les voitures. Bref, un art d’accueillir qui n’a rien à voir avec celui du Mans ou des abords de la Loire.

Et maintenant ? Savoir s’attarder pour comprendre…

En griffonnant ces différences, on se rend compte que la Haute Sarthe n’est ni plus, ni moins riche culturellement que le reste du département. Simplement, elle cultive l’art d’être à part sans se croire meilleure. Ses spécificités – fêtes, accents, paysages paysans, goût pour l’humilité plus que pour l’esbroufe – demandent du temps pour se laisser percevoir.

L’invitation est lancée : parcourez un marché d’automne, interrogez un producteur de poiré, écoutez les histoires de loups-garous ou de saints guérisseurs sur la place d’un village. Peut-être repartirez-vous avec, cachées dans une poche, quelques vieilles chansons, des anecdotes à raconter aux veillées, et la certitude que ce pays-là, à force de ne pas ressembler tout à fait aux autres Sarthe, a fini par se forger une personnalité qui n’appartient qu’à lui.

Et si, au détour d’un chemin, vous découvrez une fête, une recette ou une histoire encore inconnue, glissez-la dans la boîte à surprises – celle où la Haute Sarthe entasse, patiemment, tout ce qui fait que chez elle, on ne s’ennuie jamais très longtemps…

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